Le Laos : pays de tous les trafics de la planète terre !!
04.01.2013 - 00:45:17

image0011saolaointhailand2012.gif

image0022saolaointhailand3.gif

image0044saolaointhailand2.gif

Le Laos : pays de tous les trafics de la planète terre !!

Trafic d’êtres humains
Le plus ignoble, le plus inhumain et le plus écoeurant (au sens propre et figuré du mot), c’est le trafic d’êtres humains, et plus précisément des jeunes filles âgées entre 13 et 15 ans destinées à la prostitution en Thaïlande et dans d’autres pays du sud est asiatique. C’est le cas pour 13 mineures sur les 59 femmes Lao, toutes retenues en tant que témoins dans un centre de réhabilitation de la province de Surat Thani au sud de la Thaïlande, selon les propos rapportés par l’AFP le 3 juillet 2011 du Lieutenant Colonel Noppadon Petsut, commandant le poste de police du district de Sadao. Ce dernier en a informé également les officiels de l’Ambassade du Laos à Bangkok.
Ce sont les résultats de deux raids opérés par la police Thaïlandaise dans un bar de karaoké et dans un spa, situés dans la province de Songkhla, près de la frontière malaysienne. Selon un officiel du Thaï « Department of Special Investigation” (DSI), les 59 femmes seront relâchées et renvoyées au Laos quand les 3 suspects arrêtés, un Singapourien, un Malaysien et une Thaïlandaise, auront été jugés. D’après la loi thaïlandaise, le trafic d’êtres humains sont passibles de la peine de mort.
Ce méfait s’inscrit dans un cycle infernal avec des délits similaires antérieurs. En février dernier, la police thaïlandaise a porté secours à 5 jeunes filles Lao forcées à devenir prostituées dans un bar à karaoké de la province de Suphan Buri. Elles avaient reçu la promesse d’avoir un travail dans un restaurant à Bangkok. En octobre 2010, 13 autres femmes Lao étaient dans la même situation dans la province de Lop Buri où 4 suspects ont été arrêtés pour implication dans un gang de trafic de filles mineures.
En 2009, un représentant au Laos du département de lutte contre les drogues et des crimes des Nations Unies (*) a confié au journal “Vientiane Times” que 35% des personnes victimes de ce genre de trafic tombent dans la prostitution, 32% dans des travaux forcés, 17% travaillent dans des usines et 4% sur des bateaux de pêche. Dans la même année, un rapport de synthèse du Département d’Etat Américain a révélé que des Lao, et surtout les femmes, paient entre 70 et 200 US$ les passeurs et intermédiaires pour obtenir un travail mais finalement sont dans des travaux forcés ou la prostitution. Toujours dans les colonnes du même journal officiel, on pouvait lire qu’un nombre confidentiel de femmes et de filles Lao sont envoyées en Chine pour devenir de jeunes mariées. Le Laos devient de plus en plus un pays de transit vers la Thaïlande dans le trafic des femmes vietnamiennes, chinoises et birmanes destinées à la prostitution et aux travaux forcés.
Ménam Khong, le Mékong, la mère nourricière est malmenée sans ménage.
La Thaïlande, le Laos, le Vietnam et le Cambodge, les 4 pays membres de la Commission du Mékong (MRC) créée en 1995, se sont rencontrés le mardi 19 avril 2011 à Vientiane pour discuter sur le projet de barrage sur le Mékong à Sayabouri.
D’après Radio France Internationale (RFI), le projet de barrage controversé sur le Mékong à hauteur de Sayabouri « serait plus qu’un projet …(il) est évaluée à près de 2,5 milliards d’euros pour un chantier d’une durée de 8 ans. Long de 810 mètres et haut de 32, il s’agit du premier barrage à être proposé sur le courant principal inférieur du Mékong. En amont, quatre méga barrages sont déjà en exploitation dans la province du Yunnan, en Chine ; ils font partie d’une chaîne de huit barrages que les Chinois envisagent de construire ».
Le Vietnam et le Cambodge s’y opposent en mettant en garde les autres membres de la Commission du Mékong (MRC) sur les risques des écosystèmes du fleuve nourricier en poissons et en sédiments utilisés comme engrais par des millions de riverains. Mais selon un accord datant de la création de la MRC, le projet doit être approuvé par tous les pays signataires mais en dernier lieu c'est au Laos que revient la décision de poursuivre ou d'abandonner le projet.
Les controverses ont été alimentées aussi par des ONG, comme le WWF (Fonds mondial pour la nature) et des écologistes tout en mettant l’accent sur les études préalables jugées insuffisantes. Ajouter à cela, un moratoire de 10 ans avancé par des experts indépendants dans le but d’approfondir les analyses de faisabilité du projet dans le respect de l’environnement.
Dans un article publié le 17 avril 2011 dans le Bangkok Post, on pouvait lire que le chantier serait déjà lancé par le gouvernement laotien depuis 5 mois en collaboration avec une entreprise thaïlandaise. En effet, la Thaïlande a promis d’acheter à prix spécial les 95% de la production électrique du barrage. Le Laos compte sur ces revenus pour assurer son développement économique et pour devenir le plus grand fournisseur d'énergie de la région.
Cette ambition est logique si on part du barrage de la Nam Ngum, née dans la région de Xieng Khouang, un affluent de la rive gauche du Mékong, long de 354 km. Il est construit en 1971 et situé à environ 90 km au nord de Vientiane. Pour bâtir ce barrage, une vingtaine de villages ont été inondés en 1972. Les habitants ont tout juste eu le temps de fuir et créer le village de Thalat sur ces rives nouvelles. La forêt n'a pas été coupée avant l'inondation sur 250 km². Il s'agissait pourtant de bois de rose ! Aujourd'hui, ces Laos devenus pêcheurs et plongeurs, descendent dans les profondeurs du réservoir pour couper ces essences précieuses, encore plus réputées pour être restées longtemps dans l'eau. La Nam Ngum est le site d’importants ouvrages hydroélectriques produisant 150 MW et assure 40 % de la production d’énergie du pays. Il permet d’irriguer environ 50.000 ha soit 50 % de la surface irriguée du Laos. Il présente un potentiel additionnel très important de développement de l’hydroélectricité, estimé à 1500 MW.
Juste après la révolution de 1975, le gouvernement construisit dans deux îles deux prisons aux noms presque idylliques, une pour les femmes (Donh Nang), et une pour les hommes (Donh Thao). Les détenus doivent se surveiller mutuellement et, si quelqu’un parvient à s’échapper, tous les détenus sont punis. Aujourd’hui, de l'autre coté, à l'Est du lac, c'est un casino qui est construit à destination des Asiatiques et autres fortunés pour se délester de leurs baths ou dollars sur les tapis verts.
L’autre projet « pharaonique » concerne le projet du barrage hydro-électrique de Nam Theun 2 (NT-2). Il est piloté par un consortium multinational nommé "Nam Theun Electricity Consortium" (NTEC ) ou la Nam Theun 2 Power Company (NTPC) . Le NTEC est composé de six compagnies dont une Lao:
1. Electricité de France (EDF) détenant 30% des parts
2. Electricité du Laos (EDL) 25%
3. Italian-Thai Development Plc. ( Thailande) 15%
4. Jasmine International Plc. (Thailande) 10%
5. Merrill Lynch Phatra Securities Plc. (Thailande) 10%
6. Transfield Co. Ltd. (Australie) 10%
Parmi les ONG les plus actives contre le projet NT-2, on trouve notamment : International Rivers Network (IRN) basée en Californie, Greenpeace, World Wild Fund for Nature (WWF) et TERRA basée à Bangkok.

Le gouvernement Lao a accordé une concession de 25 ans au NTEC, au terme duquel le gouvernement Lao deviendra seul propriétaire.
Le barrage de NT-2 se trouve dans la région du plateau de Nakaï, district de Khamkeut, province de Borikhamxay, à environ 250 km au Sud-Est de Vientiane, et à près de 20 km de la frontière vietnamienne. Selon le projet, le barrage de NT-2 a une hauteur de 45 m, une longueur de 325 m et une capacité de production de 900 MW. Il est 6 fois plus puissant que le barrage de Nam Ngum (150 MW). Son coût de construction est évalué à 1,5 milliard US$, soit presque l’équivalent du PIB du pays en 1996, estimé à 1,7 milliard US$. La construction a démarré en 2005 et la première mise en service date de mai 2010.
Le lac de retenue du barrage couvrirait une superficie de 500 km², soit 5 fois la surface de Paris. Un tiers d’une des plus précieuses forêts de l’Asie du Sud -Est, le plateau de Nakai, serait inondé.
De nombreux articles relatent les conséquences néfastes de cette réalisation disproportionnée.
Selon ces ONG, « une cinquantaine d’espèces d’oiseaux risquent de disparaître. Le barrage forcerait 5000 personnes à quitter leur terre ancestrale et affecterait largement l’écosystème des deux rivières Theun et Xe Bang Fai, le long desquelles 130.000 personnes vivent aujourd’hui de la pêche et de l’agriculture.
La rentabilité du projet est très incertaine : la Thaïlande est le seul client potentiel pour l’électricité qui sera produite dans les 25 prochaines années! Mais la Thaïlande, qui a une surproduction électrique d’environ 40 %, a remis en cause les accords d’achat d’électricité. Le Laos prendrait donc un risque financier colossal, en immobilisant des sommes qui pourraient être investies autrement ».
Le programme de construction de plusieurs dizaines de barrages dont 7 mis en service génère un revenu annuel de 2 millions US$. Il est à noter que le barrage de la N-T 2, le plus grand de l'Asie du Sud-Est, a une puissance équivalente à la consommation d'une ville française d'un million d'habitants. Il possède un réservoir équivalent au 3/4 du Lac Léman en Suisse.
Paradoxe énergétique propre au Laos : il est obligé d’importer de l’électricité comme le prouve un article publié le 9 mars 2011 par l’agence de presse gouvernementale du pays, intitulé « Le Laos importe moins d'électricité cette année » et reproduit in extenso ci-dessous.
« Vientiane, (KPL) -- Cette année, le Laos s'attend à importer moins d'électricité des pays voisins, car maintenant plusieurs centrales sont déjà opérationnelles. La centrale hydroélectrique Nam Lik 1-2 a commencé son exploitation commerciale l'année dernière ».
Selon un rapport annuel de l'Electricité du Laos (EDL), la compagnie d'électricité prévoit d'importer 555 millions de kWh en 2011 - une baisse de 50% comparé à l'année précédente, en raison du nombre croissant de centrales hydroélectriques internes en exploitation.
Le Laos a importé 998 millions de kWh en 2010, entraînant des sorties de devises étrangères de 50 millions de dollars vers la Thaïlande, la Chine et le Vietnam, alors que la demande d’électricité a augmenté en raison de la croissance économique rapide. Le barrage de Nam Ngum 1 à Vientiane était incapable de générer suffisamment d'électricité en raison de niveaux des réservoirs faibles.
Le barrage construit pour la centrale hydroélectrique de Nam Ngum 2, qui est située en amont de la Nam Ngum 1, était une des principales causes de la pénurie d'eau. Le barrage de Nam Ngum 2 a commencé à libérer de l'eau vers Nam Ngum 1 à la fin de l'année dernière. Nam Theun 2, la plus grande centrale hydroélectrique au Laos, a commencé son exploitation commerciale en mars dernier, avec 70MW des 1070MW installés pour la consommation intérieure. La centrale de Nam Lik 1-2 a été en ligne en août dernier, avec toute sa capacité de 100 MW pour le pays.
EDL prévoit d'acheter 781 000 000 kWh aux centrales électriques indépendantes du Laos - une augmentation de 31% par rapport à l'année précédente. Il s’agit du barrage Theun Hinboun, province de Khammuan, et de celui d’Houyho, province d'Attapeu.
Selon EDL, la consommation totale d'électricité au Laos devrait atteindre 2 554 millions de kWh cette année, une augmentation de 10% par rapport à l'an dernier.
La compagnie d'électricité gère actuellement quatre usines après la remise de six usines dont Nam Ngum 2 à la Société publique de production d'électricité à la fin de l'année dernière dans le cadre des plans gouvernementaux pour mobiliser des capitaux à travers le développement de centrales électriques.
Bien que le Laos soit un grand exportateur d'électricité en Asie, il reste à importer de l'électricité dans les zones où le réseau national ne pénètre pas. La plupart des projets de production d'électricité sont financés par des investisseurs étrangers qui visent les marchés d'outre-mer.
Le Laos exporte de l'électricité pendant la saison des pluies et en importe en saison sèche en raison de la baisse du niveau d’eau.
À l'heure actuelle, le Laos dispose de 10 centrales hydroélectriques en exploitation. 17 autres usines sont en cours de planification, incluant une usine de 1 260 MW dans les provinces Luang Prabang et Xayaboury. 45 autres centrales hydroélectriques sont en cours d'études de faisabilité.
EDL vise à étendre le réseau national pour les régions plus reculées du pays. Elle prévoit que 80% des ménages accéderont à l'électricité d'ici 2015 et 90% d'ici 2020. À l'heure actuelle, environ 70% des maisons sont connectées au réseau électrique ».
Selon certaines statistiques, quelques chiffres de l’économie sont positifs : les taux de croissance réels du PIB (4 985 milliards US$) sont passés de 5,7% au cours des années 2001-2004 à 7% en 2005. Au cours des deux dernières années, les taux de croissance ont toutefois augmenté jusqu’à 7%. Le taux d’inflation a chuté pour atteindre 5% en 2006. L’agriculture est source de revenus pour 80% de la population représentant 49% en 2003. La part du secteur industriel dans le PIB a augmenté de 14% à 26% grâce essentiellement au développement de l’industrie textile et vestimentaire. Les revenus des richesses du sous-sol représentent 110 millions de US$, ceux du barrage de la Nam Theun 2 de l’ordre de 2 millions de US$, et sans compter ceux générés par le commerce du bois, du tourisme, etc...
Néanmoins, les baromètres de l'économie sont dans le rouge avec les dépenses de plus de 400 millions de US$ contre moins de 300 de revenus, avec une exportation de moins de 400 millions de US$ contre des importations près de 600 millions de US$ et une dette extérieure supérieure à plus de 2 milliards de US$. La RDP lao dépend fortement de l’aide au développement : les fonds de l’aide publique au développement (APD) constituent plus de la moitié du budget de l’État qui est de 2,759 milliards US$.
Le revenu moyen par habitant de 456 US$ par tête en 2005. Elle affiche l’un des indices de développement humain des Nations unies les plus faibles du Sud Est asiatique et du Pacifique : elle est à la 131ème position sur 177 pays en 2005.
Selon le rapport publié en décembre 2010 par « Economist Intelligence Unit », les données de base s’établissent comme suit. Les exportations en 2007 : 810 millions US$ ; en 2007 : 923 ; en 2008 : 1 085 ; en 2009 : 1 046 et en 2010 : 1 360. La part du cuivre et de l’or représente 52,8% (707 millions US$), celle du bois 15,9% (216 millions US$), celle de l’électricité 10,8% (147 millions US$). Les importations pour les mêmes périodes, respectivement 1 045 US$ ; 1 065 ; 1045 ; 1 462 et 1 764.
La croissance est donc principalement alimentée par des investissements lourds dans quelques grands projets d’exploitation minière et d’hydroélectricité, ainsi que par le tourisme. Il ne faut pas non plus oublier
l’apport des aides multilatérales et bilatérales attribuées au Laos a reçu, tous les ans, entre 1994 et 2003, pour un montant annuel de 250 à 350 millions US$ environ. Parmi les plus généreux, on trouve le Japon pour une contribution depuis 1994 pour plus de 55% et la Banque Asiatique de Développement avec 60% des aides multilatérales. Le Laos est sans doute le pays qui a reçu le plus d’aide et de prêts internationaux au monde par tête d’habitant.

Trafic de bois : destructions massives et systématiques de la forêt Lao.
La Loi sur les forêts, promulguée le 2 novembre 1996, remplace le décret no 169 sur la gestion des forêts et des terres forestières et le décret no 186 du 12 octobre 1994 sur la répartition du territoire et des terres forestières pour la plantation d’arbres et la protection des forêts. La loi est censée promouvoir la production forestière et le reboisement au Laos pour améliorer les moyens de subsistance de la population et aussi pour protéger l’environnement naturel et ainsi maintenir l’équilibre de l’écosystème. Selon l’article 16, la forêt est divisée en 5 catégories : 1) forêt destinée à la protection ; 2) forêt destinée à la conservation ; 3) forêt destinée à la production ; 4) forêt destinée à la régénération et 5) forêt dégradée ou terre dénudée.
L’article 18 définit la forêt destinée à la conservation à cause de ses valeurs historiques, culturelles, touristiques, environnementales, éducatives et scientifiques représentées par la faune, la flore et les écosystèmes attenants. L’article 48 définit les conditions de concession et l’article 30 porte sur les droits coutumiers d’exploitation de la forêt et des terres forestières, comme par exemple pour les clôtures et le combustible, ou encore pour la chasse et la pêche d’espèces non protégées pour la consommation des ménages et d’autres usages conformes à la coutume. En pratique, cette nouvelle loi n’est pas encore appliquée en l’absence des arrêtés et des règlements détaillés. On continue donc à utiliser le Décret no 169 adopté le 3 novembre 1993.
Le décret n° 169 définissait les lignes directrices à l’attention des districts et des villages pour organiser zonage forestier comprenant la répartition et la gestion des ressources forestières, leur protection et leur conservation. La mise en œuvre du décret no 169 est basée principalement sur la diffusion du document transmis oralement au niveau du village ou sous forme d’une courte lettre. On peut deviner les résultats qui dépendent de la compétence du bureau agricole et forestier de district.
Mais sur le terrain, ou plutôt dans la forêt, il en est autrement.
Le 12 décembre 2002, le quotidien thaïlandais, Bangkok Post, publiait une information surprenante : six ouvriers de nationalité vietnamienne, travaillant pour une société laotienne nommée DAFI, ont été arrêtés pour entrée illégale en Thaïlande avec deux camions afin de récupérer 300 troncs d’arbre! Ce fait divers rocambolesque révèle en fait les dessous d’un trafic lucratif, celui du bois, auquel semblent s’adonner en toute impunité depuis près de trois décennies de hauts responsables communistes laotiens. Un commerce qui est loin de bénéficier à la population de ce pays, dont les dirigeants ont déjà reçu de la communauté internationale des centaines de millions de dollars pour… « lutter contre la déforestation ». Le décret anti-corruption signé par l’ancien Premier ministre en 2000, le Colonel Bounnyang Vorachit, les mesures de contrôle des exploitations de bois lancées cette année par le gouverneur de la province de Vientiane ou la création de la Division Anti-Corruption au sein du ministère de la Sécurité n’ont absolument rien changé.
La société DAFI (Integrated Agriculture Forestry Development) forme avec AFD (Agriculture Forest Development Company) et Phoudoï, trois sociétés d’Etat relevant de la toute puissante armée populaire et ayant notamment le monopole de l’importation des carburants, de l’exploitation des minerais et de celle des riches forêts de la République Démocratique Populaire Lao (RDPL). Pour ces activités hautement lucratives, AFD couvre le nord du pays, Phoudoï la région centre, et DAFI les provinces du sud. Les entreprises étrangères cherchant à exploiter le bois sont obligés de s’adresser à l’un de ces trois groupes.
Il est clair pour tous, et surtout pour la population Lao, que ces trois sociétés d’Etat sont étroitement liées aux plus hauts dirigeants du Parti unique au pouvoir et à leurs proches. Ainsi, certaines « retraites anticipées », certains changements d’affectation pour les cadres ou les officiers supérieurs se négocient à coups de « largesses », sous forme d’attribution d’exploitation de forêts dont les surfaces varient selon la hiérarchie et le « passé révolutionnaire » des bénéficiaires.
Ce « troc » à la sauce marxiste-léniniste rappelle que la RDP Lao est toujours dirigé par des militaires très présents dans le Politburo et parmi l’administration centrale et provinciale. Ainsi, c’est le général Khamtay SIPHANDONE, né en 1924, qui occupe les fonctions de chef d’Etat et de président du Comité central du PPRL, dont le Politburo comprenait 7 généraux et 1colonel sur 11 membres: général Samane VIGNAKET, président de l’Assemblée, général Choummaly SAYASONE, vice-président, général Osakan THAMMATHEVA (décédé en novembre 2002), général Sisavath KEOBOUNPHANH, ancien Premier ministre, général Asang LAOLI, vice-Premier ministre, et général Douangchay PHICHIT, ministre de la Défense. Le colonel Boungnang VORACHIT, le moins gradé des 11 «camarades-en-chef», occupe le poste de Premier ministre. Quant au général Kham Ouane BOUPHA, ministre de la Justice, il n’est pas membre de la PPRL.

Selon un rapport indépendant, DAFI, AFD et Phoudoï seraient « au-dessus des lois ». Et, malgré les règlements sur les quotas de bois et les pratiques d’exploitation des forêts, le ministère de l’Agriculture et des Forêts «n’exerce aucune autorité» sur ces trois compagnies très spéciales dont le fonctionnement est totalement obscur…Dans cette même étude, DAFI disposerait du monopole sur le déboisement du site du projet de barrage N-T 2, dont le réservoir couvrira 450 km², et sous-traiterait largement avec des sociétés vietnamiennes pour la coupe et le transport du bois.
Global Witness, organisation de surveillance de l’environnement basée à Londres (Royaume-Uni), a alerté à plusieurs reprises le gouvernement thaïlandais sur les activités de la société DAFI et sur ses « trafics illégaux » de 100.000 m3 bois du Cambodge vers la Thaïlande, via le Laos, en faisant passer pour du bois laotien auprès des acheteurs. En s’appuyant sur des preuves, cette même organisation affirme que la société DAFI appartient bien à l’armée Lao, qu’elle a coupé près de 40.000 m3 dans la province cambodgienne de Strung Trèng, payés en nature avec de 50 camions, 150 ouvriers, des machines pour travailler le bois et des matériaux de construction routière. Ce bois, dont l’acquisition a été négociée secrètement par DAFI avec certaines autorités militaires du Cambodge, a été traité à la scierie de la compagnie DAFI à Champassak, au sud du Laos, pour être exporté ensuite vers le Vietnam et la Thaïlande. Aux termes de cet accord secret, les ouvriers devraient être laotiens mais, selon les fonctionnaires et les villageois khmers de la région de Strung Treng, les 150 ouvriers étaient tous vietnamiens et les 50 camions arrivaient directement du Vietnam.
Les membres d’une ONG franco-suisse travaillant dans la province d’Attapeu, dans le sud du Laos, rapportent avoir assisté à « l'abattage systématique des forêts » par la société DAFI et avoir vu passer « plus de 150 camions à la fois, tous chargés de troncs entiers » vers le Vietnam et la Thaïlande.

D’autres ONG que Global Witness, comme Environmental Investigation Agency, basé à Londres et Washington DC, The International Tropical Timber Organization, basé à Yokohama (Japon), et Earth Policy Institute, basé aussi à Washington DC, dénoncent ce «trafic illégal » du bois par les autorités de la RDP Lao. Selon elles, cette déforestation délibérée a eu pour conséquence de réduire la surface forestière du pays à « moins de 40%» contre 70% il y a encore 30 ans, peu avant l’arrivée des communistes au pouvoir en 1975. D’après ces mêmes organisations, seulement 1/3 des revenus du commerce du bois au Laos revient à l’Etat (**). Un triste constat quand on sait que les pays donateurs ont déjà octroyé, en toute bonne foi, des centaines de millions de dollars pour financer des « campagnes contre la déforestation » que les dirigeants du Parti unique affirment avoir menées au cours de ces dernières années.
Récemment, l’Agence France Presse (AFP) a publié jeudi 28 juillet 2011 un article où « une ONG de défense de l’environnement a accusé l’armée vietnamienne de jouer un rôle pivot dans le trafic de bois brut venu du Laos, activité lucrative qui menace les forêts dont dépendent des millions de Laotiens.
Il n’y a pas de trafic de bois ou d’abattage au Laos de la part de l’armée Vietnamienne, a immédiatement démenti la porte-parole du ministère vietnamien des Affaires étrangères, Nguyen Phuong Nga, assurant que son pays était très attentif à la protection des forêts.
Le rapport de l’Agence d’investigation sur l’environnement (EIA) publié jeudi dénonce le rôle pivot joué par l’armée vietnamienne et en particulier par la Compagnie de coopération économique (COECCO), propriété de l’armée, dans le trafic de bois.
L’armée vietnamienne doit être exclue des opérations d’abattage au Laos, a réclamé Faith Doherty, responsable du secteur forêt de l’ONG basée à Londres.
Les forêts, dont la population majoritairement rurale continue à dépendre pour son alimentation, couvraient dans les années 1940 quelque 70% du territoire laotien. Mais ce pourcentage est tombé à 41% en 2002, selon l’EIA, qui craint une chute à 30% d’ici 2020.
L’interdiction d’exportations de bois brut décidée par Vientiane est ignorée de façon flagrante, a ajouté Faith Doherty. Notamment grâce à la corruption généralisée dans l’administration laotienne en charge des forêts, selon le rapport.
En juin 2011, le Premier ministre laotien Thongsing Thammavong avait ordonné aux autorités de renforcer les mesures contre ce trafic, selon le quotidien officiel Vientiane Times, qui avait noté le rôle des responsables corrompus dans l’augmentation du commerce illégal de bois.
Selon l’EIA, au moins 500.000 m3 de bois, d’une valeur de plus de 150 millions de dollars, passent chaque année la frontière entre le Laos et le Vietnam. Les produits transformés, notamment des meubles, sont ensuite exportés vers les Etats-Unis et l’Union européenne malgré leurs législations interdisant les importations de bois illégal.
Le Vietnam, qui a pris des mesures sur son territoire, a quasiment annexé des parties du Laos pour nourrir son industrie de transformation du bois en plein boom, a souligné Julian Newman, de l’EIA, notant toutefois que beaucoup d’entreprises vietnamiennes utilisaient du bois certifié ».
Il faut bien justifier « le traité très spécial d’amitié » signé le 17 juillet 1977 entre Vientiane et Hanoï qui a une durée de 25 ans avec une reconduction automatique de 10 ans.
Trafic d’opium
Le Courrier international du lundi 08 août 2011 a repris un article publié par le site the –diplomat.com intitulé « A l’ombre des champs de pavot » dont nous reproduisons ci-dessous in extenso le contenu.
« Malgré la politique d’éradication des champs de pavot voulue par les Nations unies et l’administration américaine, la production d’opium reprend de plus belle dans le Triangle d’or. Les explications de The Diplomat le 04 avril 2011 par Tom Fawthrop.
Depuis des générations, les tribus des collines – essentiellement des Hmongs, des Akhas et des Yaos – se félicitent des récoltes abondantes de pavot et la vue des champs en fleur enchante touristes et photographes. Mais cette beauté naturelle est le dernier souci des unités anti narcotiques américaines. Si certains habitants des collines considèrent cette plante comme une bénédiction, les responsables occidentaux n’y voient rien d’autre que la source de l’addiction à l’héroïne qui sévit dans leurs villes.

Il y a un peu moins de dix ans, la production d’opium du Triangle d’or – région frontière entre le Myanmar, le Laos et la Thaïlande – était en perte de vitesse. Pendant des décennies, la Thaïlande avait tenté d’éradiquer l’opium et, en 2002, sous la pression du gouvernement américain et de l’agence de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC)*, le gouvernement laotien avait lancé une campagne dans le même sens. En 2005, le Laos a proclamé qu’il ne produisait plus d’opium et les Nations unies ont annoncé que les récoltes du Myanmar avaient été réduites de moitié. L’année suivante, le directeur de l’ONUDC, Antonio Maria Costa, a déclaré que les jours du Triangle d’or étaient comptés. Mais, apparemment, cet optimisme n’était pas fondé. Selon une enquête annuelle de l’ONU, en 2010, la culture du pavot en Asie du Sud-Est a augmenté de 22 % par rapport à 2009 ; elle a fait un bond de 55 % au Laos.
L’échec des campagnes d’éradication de l’opium du Myanmar et du Laos s’explique par des raisons à la fois politiques et économiques. Au Laos, les tribus des collines bravent de plus en plus l’interdit pour pouvoir joindre les deux bouts. Les prix des denrées ayant chuté, le taux de pauvreté parmi les populations agricoles est en hausse. Et comme le prix de l’opium flambe, un nombre croissant de paysans sont tout naturellement tentés par la culture du pavot.

Des pressions économiques similaires s’exercent sur l’Etat Shan, au Myanmar. Comme l’ont signalé les Nations unies, le pavot est de loin la culture la plus lucrative pour les paysans, un seul hectare pouvant rapporter 4 600 dollars, soit 13 fois plus qu’un hectare de riz. A cette incitation économique se greffe la politique complexe de l’Etat Shan, où les tentatives de la junte militaire pour soumettre les armées rebelles des groupes ethniques ont contribué à encourager les parties impliquées dans le conflit à recourir au commerce de l’opium et au trafic d’héroïne pour se procurer des fonds.

Pour les détracteurs de la politique menée par les Etats-Unis et l’ONU, la principale raison de l’échec de la lutte contre la drogue en Asie du Sud-Est est le fait qu’elle est axée sur des mesures de coercition et de sanction. Au Laos, les tribus des collines sont mécontentes du traitement draconien qui leur est infligé. Alors que beaucoup de paysans ont du mal à vivre des récoltes de denrées ordinaires, la culture du pavot leur permet de troquer celui-ci contre le riz d’autres villages et de fournir des antalgiques aux localités isolées ayant un accès restreint aux hôpitaux.

Paradoxalement, malgré l’augmentation de la production d’opium dans le Triangle d’or, de nombreux hôpitaux et cliniques du Myanmar et du Laos ont encore des difficultés à s’approvisionner en morphine. Dans les hôpitaux de Rangoon, certains médecins conseilleraient même aux familles de patients en grande souffrance de se procurer de l’opium sur le marché noir.

Tant que le Myanmar sera aux mains de la junte militaire, il sera impossible de reconnaître le pays comme un producteur légal d’opium soumis à un contrôle international. Le Laos, en revanche, étant un pays en paix, il est plus facile d'y réglementer la culture du pavot.

Tout cela pour dire que, si l’opium est détruit dans certaines régions du Laos, d’autres secteurs souffrent d’une pénurie d’antalgiques. Le problème ne se limite pas à la consommation interne : si le Laos pouvait cultiver de l’opium légalement, il représenterait un marché florissant d’antalgiques au sein de l’Association des nations du Sud-Est (ASEAN).

D’ici là, de nombreux Laotiens continueront à se demander pourquoi l’Occident accepte la culture de l’opium dans un groupe restreint de pays riches en ressources pendant que le leur, pauvre et enclavé, est censé vivre des exportations de café et de Beerlao, la bière nationale.
Points de repères.
Le dernier rapport de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), en mars 2010, dresse le bilan de la consommation de stupéfiants dans le monde. Les pays européens consomment près de la moitié de l’héroïne mondiale, Europe occidentale en tête. Le Royaume-Uni, l’Italie, la France et l’Allemagne représentent 60 % de la consommation régionale. La Fédération de Russie consomme 20 % de l’héroïne produite en Afghanistan. En Asie, l’héroïne continue d’être la principale drogue consommée – en Chine, en Malaisie, au Myanmar, à Singapour et au Vietnam. 25 % des consommateurs de drogue par injection à l'échelle du monde vivent en Asie de l’Est et du Sud-Est. Autre sujet de préoccupation majeur dans la région : l’OICS souligne la progression de la fabrication, du trafic et de l’usage de drogues synthétiques de type amphétamine. Coût de fabrication modique, facilité d’approvisionnement et fort potentiel addictif font de ces substances un danger majeur.
D’autres précisions se trouvent dans son rapport mondial de 2010 publié le 12 avril 2011 par l’agence de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC) ou en anglais the United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC). Elles font état d’une augmentation de 58% de la surface de culture de pavot au Laos, passant de 1 900 ha en 2009 à 3 000 en 2010, alors qu’elle n’était que 1 500 en 2007. Près de 400 000 Lao sont addicts aux amphétamines et 1 400 000 sont considérés comme personnes à risques selon Monsieur Soubanh Srithitrath, président du Comité national de Supervision et de lutte contre les stupéfiants. Il ajoute que les jeunes sont tentés par les drogues par curiosité et par manque de connaissance de leurs effets néfastes ; ils ont besoin d’une éducation appropriée. Il exhorte le gouvernement à s’occuper sérieusement dès à présent de ce mal social avant qu’il nuise à la sécurité, à la stabilité et au développement socio-économique du pays.
Monsieur Leik Boonwaat, le représentant au Laos de l’ UNODC, a récemment déclaré à l’agence Xinhua que le gouvernement Lao a le support de l’UNODC pour mettre en œuvre le Plan directeur 2009-2013 de lutte contre les drogues. A ce sujet, le 24 juin 2011 au cours d’une cérémonie, les autorités ont fait détruire 77 paquets d’héroïne, 1,2 millions de tablettes d’amphétamine, 250 grammes de cocaïne, 2 224 kg de cannabis, 7,7 kg d’opium et 1,4 millions de tablettes de produits chimiques destinés à la fabrication d’amphétamine. Il est à noter que le prix d’un kg d’opium est grimpé de 1 327 US$ à 1 670 entre 2009 et 2010, soit plus de 20%
Malgré cela, la surface de culture du pavot a augmenté de 58% ; cela représente la plus grosse augmentation jamais enregistrée depuis ces 5 dernières années.
On a retrouvé dans nos archives les traces d’une conférence à la mi-septembre 2002 à Bruxelles (Belgique), consacrée à la situation des droits de l’Homme en Birmanie, au Laos et au Vietnam. A cette occasion, Monsieur Alain LABROUSSE, ancien directeur de l'Observatoire Politique des Drogues, a fait état d’une « coopération active» entre les militaires vietnamiens et Lao dans le trafic de drogues, à travers la société Phoudoï. «Des militaires des deux pays paraissent coopérer activement. Un expert, qui a participé à la réunion du mini-groupe de Dublin (instance informelle qui regroupe les pays de l’OCDE), le 18 mai 1998 à Vientiane, nous a affirmé que des camions militaires vietnamiens entrent au Laos par le poste-frontière de Na Pè (…) pour prendre livraison de l’héroïne produite dans les laboratoires de la région », a-t-il indiqué.
Selon lui, ce poste-frontière, situé près de la ville nouvelle de Lak Xao (kilomètre 20) « a été ouvert par un général connu comme le « Khun Sa laotien », alors qu’il était directeur de la société Phoudoï en charge de l’exploitation forestière du nord. On dit qu’il utilisait les véhicules de la société qui traversent chaque jour le pays d’Est en Ouest et du Nord au Sud pour faire transiter la drogue destinée à l’exportation», a affirmé Monsieur LABROUSSE, en allusion au général Chèng SAIGNAVONG, dont « la réputation sulfureuse n’a pas empêché sa promotion au poste de vice-ministre du Tourisme pour préparer l’année du tourisme au Laos qui a eu lieu en 1999 ».
Trafic d’argent dans des casinos au nord et au sud
Le journal « Le Monde » a titré son article publié le 11 juin 2011 Las Vegas sur Mékong, dont le contenu est le suivant.
« Savannakhet coule des jours tranquilles au bord du Mékong : la troisième ville du Laos, qui compte 124 000 habitants, est une sorte de capitale de la torpeur alanguie le long du fleuve. Son centre historique, ses demeures coloniales et son église catholique constituent les vestiges surannés de la présence française au Laos.
Venant de la rive thaïlandaise, après avoir franchi le flambant neuf pont de l'Amitié, financé par le Japon, le contraste ne peut être plus frappant entre les deux pays : d'un côté, Mukdahan, la ville frontière thaïlandaise, incarne une certaine modernisation du nord-est du royaume ; de l'autre Savannakhet paraît à première vue figée dans le passé.
Mais l'image est trompeuse : Savannakhet possède un casino, et des milliers de joueurs venus de Thaïlande, où les jeux d'argent sont officiellement interdits, franchissent chaque jour le Mékong pour aller s'adonner à l'"enfer du jeu". Ce n'est pas Macao, certes, mais le Savan Vegas - c'est son nom - offre un spectacle incongru dans ce pays qui est l'un des plus pauvres du monde. Le Laos est classé 130e sur la liste de l'indice du développement humain et le revenu par tête tourne autour des 300 dollars.
Le bâtiment du casino est démesuré. Son entrée est flanquée de hautes statues de pachydermes rappelant que le Laos fut jadis le "royaume au million d'éléphants". Sur place, les joueurs peuvent loger dans les centaines de chambres d'un hôtel quatre étoiles, s'y restaurer dans plusieurs restaurants, s'y détendre dans un spa et se faire masser.
L'intérieur de la salle de jeux est à l'avenant : des dizaines de machines à sous, de tables de black jack, de jeux chinois - tigres contre dragons -, offrent tout ce dont le joueur a besoin pour aller se faire rincer. Dès l'entrée, une centaine d'écrans d'ordinateurs intriguent le visiteur : à la réception, on indique qu'il s'agit de "rolex"... Comprenant mal le rapport avec une marque de montre ou la signification de cette appellation mystérieuse, on réalise ensuite, en regardant les écrans suspendus au plafond qu'il s'agit en fait du jeu de roulette : ici, la mise est informatisée et la course de la boule, virtuelle sur les téléviseurs...
"Quatre-vingt-dix pour cent des joueurs viennent de Thaïlande, mais certains se déplacent depuis le Vietnam (la frontière est à quelques centaines de kilomètres) et même depuis la Chine", explique au bar un agent de voyages thaïlandais. Chaque jour, il transporte ses clients à bord de bus bondés frappés de l'effigie d'Elvis Presley sous le titre flamboyant de "Savan Vegas".
Selon l'agent de voyages, ce sont des investisseurs de Palm Springs, en Californie, qui sont à l'origine de ce projet déroutant en République démocratique populaire lao. Mais il est difficile de connaître plus de détails sur le montage financier du projet.
Profitant des législations contraignantes de la Thaïlande, de la Chine et du Vietnam en matière de jeux d'argent - trois pays avec lesquels il partage des frontières communes -, le Laos a choisi de poursuivre son ouverture économique en attirant les joueurs. Car Savannakhet n'est pas le seul exemple : il y a quelques années, un autre casino, dont les capitaux sont chinois, s'est ouvert tout au nord, sur la frontière sino-laotienne, à Boten.
Ailleurs sur la frontière thaïe, à Ton Pheung, dans la province laotienne de Bokeo, au nord de Savannakhet, toujours sur le Mékong, dans cette zone du triangle d'or dite des "trois frontières" où Birmanie, Thaïlande et Laos se rejoignent, un troisième casino, également financé par des Chinois, vient de voir le jour, le "Macao sur Mékong".
Sur la rive laotienne, dans ce complexe qui s'étend sur 3 000 hectares, on se retrouve, de facto, en Chine : des officiers de sécurité chinois sont chargés de la protection, les transactions peuvent se faire en yuans, la monnaie chinoise, et les joueurs affluent de la province du Yunnan. Là aussi, comme à Savannakhet, on trouve un hôtel quatre étoiles et des restaurants. Le groupe possédant le casino, Dokngiewkham, une compagnie enregistrée à Hongkong, aurait dépensé plus de 2 milliards de dollars (1,38 milliard d'euros) dans l'aventure. Une route, dont le coût est estimé de 200 à 300 millions de dollars, a été construite pour relier le "Macau" à la ville laotienne de Ban Houei Xay. L'endroit a été désigné comme une "zone économique spéciale" louée aux investisseurs de l'empire du Milieu pour quatre-vingt-dix-neuf ans... Le succès du casino devrait être par ailleurs facilité par les projets de désenclavement du Laos où voies rapides de circulation et futur train à grande vitesse, financés par la Chine, permettront de relier Kunming, au Yunnan, à Bangkok.
Le casino de Boten, sur la frontière sino-laotienne, vient de connaître des déboires : depuis quelques semaines, la "Golden City", construite sur une superficie de 1 640 hectares, n'est plus qu'une ville fantôme. Les autorités chinoises ont fini par mettre le holà sur ce qui était devenu un véritable "enfer" du jeu : parieurs pris en otage pour défaut de paiement par les gros bras des triades locales - qui sont sans doute les véritables propriétaires de cette lessiveuse d'argent sale -, joueurs passés à tabac, cadavres retrouvés dans les rizières, la situation était devenue intolérable pour la Chine qui a demandé au Laos de fermer le casino. Le gouvernement de Vientiane s'est exécuté.
Désormais, la dizaine de milliers de résidents qui constituait la population de cette zone de non-droit a fondu. La "Golden City" a vu ses restaurants et ses salons de massage fermer et n'offre bientôt plus au visiteur que les vestiges d'une aventure fracassée ».

Trafic de chiens
L’émission dominicale de large audience SEPT A HUIT sur TF1 (Télévision Française 1) a diffusé, le 3 avril 2011, un reportage consacré au trafic de chiens en Thaïlande, plus exactement à Tha Raé où 1/3 de la population en vit, et au Vietnam où 5 millions de chiens par an sont mangés par ses habitants. Le trafic passe par le Laos ; la destination finale est Hanoï après 36 heures de route.
http://videos.tf1.fr/sept-a-huit/trafic-de-chiens-6344678.html
Ce cruel trafic a ému plus d’un et en premier lieu Brigitte Bardot, Présidente de la fondation éponyme. Elle a adressé le 11 avril une lettre au roi de Thaïlande via son ambassade en France. Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité du document.
« Votre Majesté,
J’ai été absolument bouleversée par un documentaire diffusé sur notre chaine nationale dénonçant un abominable trafic de chiens entre votre pays et le Vietnam. Des centaines d’appels et de messages de téléspectateurs choqués et révoltés arrivent journellement à ma Fondation.
Tha Rae est le lieu de cet immonde trafic où l’on tue les chiens pour la viande dans un abattoir clandestin après qu’ils soient sauvagement capturés chez des paysans ou au bord des routes. S’ils ne sont pas tués sur place, 400 à 600.000 chiens sont illégalement importés vivants chaque année dans des conditions atroces et arrivent empilés et affamés après 36 heures de route à Hanoï. Comment des camions ayant des centaines de chiens gémissant dans une remorque peuvent-ils passer inaperçus aux yeux des policiers chargés des vérifications à la frontière ? Ce qui attend ces pauvres bêtes à l’arrivée est encore bien pire que toutes les souffrances déjà vécues. Comment votre pays peut-il se rendre complice de tant d’horreur ?
Ce réseau n’est pas difficile à démanteler : toutes les informations sont dans le DVD que je joins à ma lettre : il ne manque que le geste et la volonté de votre autorité pour cela. Je vous supplie donc de faire cesser ce trafic intolérable, fermer les atroces abattoirs clandestins et mettre en place les moyens de contrôle indispensables à la frontière du Laos.
Votre Majesté, la Thaïlande représentait ce pays de sérénité et de beauté où les touristes aiment tant séjourner. Aujourd’hui il est devenu l’enfer des chiens… et son image attirante a sombré pour des milliers de Français. La délégation de la Thaïlande à la CITES propose d’accueillir la 16e session de la Conférence des Parties en 2013. Cette proposition avait été acceptée avec enthousiasme. Un film sur votre pays avait été montré à l’occasion. Croyez-vous que l’image que nous en avons aujourd’hui correspond à cet esprit d’accueil et d’ouverture ?
J’attends avec impatience votre réponse et je souhaite du plus profond de mon cœur qu’elle soit très rapide et rassurante.
Je vous prie de bien vouloir croire, Votre Majesté, en l’assurance de ma très sincère et respectueuse considération
Brigitte Bardot
Présidente ».
Travailleurs illégaux : violeurs potentiels et assassins impunis
Pour accompagner le développement tout azimut du Laos, le gouvernement fait largement appel aux travailleurs étrangers, notamment vietnamiens et chinois. On sait que tous ne sont pas en conformité avec la loi du pays, mais il faut bien justifier « le sacro-saint traité spécial d’amitié » signé le 17 juillet 1977 entre le Laos et le Vietnam. Mais, il faut bien faire des sacrifices et accepter des contre parties quand un pays reçoit des milliards de dollars d’aide ou d’investissements pour construire des routes, des stades ou encore des chemins de fer. Que vaut la vie d’une enfant de 13 ans, quel est le prix de jeunes filles et garçons trompés par des promesses farfelues ?
On a comme l’impression que le gouvernement laisse tout faire, ferme les yeux et se fait discret du moment que ses membres ne se sentent pas directement menacés de perdre le pouvoir, qu’ils peuvent profiter de toutes les occasions pour s’enrichir et qu’ils se disent « après moi, le déluge ».
La question est : comment mieux faire pour continuer à exister en tant que nation Lao à part entière et ne pas être la risée des autres ; comment mieux faire pour laisser aux futures générations une terre et un héritage immatériel pour qu’elles soient fières de leurs aînés ?
Terminons provisoirement ici par les mots écrits en 1940 par le poète norvégien Nordahl Grieg en 1940 (***): "Nous sommes si peu nombreux dans notre pays. Chaque mort est un frère et un ami." Hélas, oui, chaque mort est une sœur, un frère, et un ami… Le Laos est un tout petit pays par sa superficie, mais il recèle tant de trésors dans ses sous-sols et tant de richesses dans son corps, son âme et dans son histoire. Il n’a pas d’ouverture sur la mer ; il est donc entouré de pays voisins plus grands et même nettement, non pour en prendre soin mais pour le prendre sauvagement, le pendre haut et court pour le faire disparaître au plus vite en le pillant et en l’avalant sans précaution.
Une autre citation du même écrivain doit nous inciter à ne pas rester dans l’inaction ou dans des théories stériles.
« Un humaniste est un homme qui répugne à l'injustice, mais qui ne veut pas se battre pour ce qui est juste ».

La rédaction du CERLA, Décembre 2012.
Centre d’Etudes et de Recherches sur le Laos et l’Asie

(*) L’agence de l’ONU contre la drogue et le crime (ONUDC) United Nations Office on Drugs and Crime (UNODC)
(**) Selon certaines ONG citées plus haut à propos du trafic illégal du bois, « seulement 1/3 des revenus du commerce du bois au Laos revient à l’Etat »
D’après le rapport publié en décembre 2010 par « Economist Intelligence Unit », les exportations du bois représentaient en 2010 près de 216 millions US$. La réalité serait plutôt 650 millions, presqu’autant que la vente des kW.
(***) Nordahl Grieg (Bergen 1902 – Berlin 1943). D'origine bourgeoise, neveu du compositeur Edvard Grieg, il était ce qu’on appelle un homme d’action : marin à 17 ans, vagabond, journaliste en Chine en pleine guerre civile, puis à Moscou en 1933, en Espagne en 1937, résistant à Londres pendant la seconde guerre mondiale. Il meurt en 1943 au-dessus de Berlin au cours d’un raid de la Royal Air Force, à l’âge de 41 ans, laissant une œuvre lyrique et de dramaturge influencé par le théâtre et le cinéma expérimentaux russes.